Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/78

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à Tiffauges étaient des latinistes fervents, des causeurs prodigieux, possesseurs des arcanes oubliés, détenteurs des vieux secrets. Gilles était évidemment plus fait pour vivre avec eux qu’avec les Dunois et les La Hire. Ces magiciens que tous les biographes s’accordent à représenter, à tort, selon moi, comme de vulgaires parasites et de bas filous, ils étaient, en somme, les patriciens de l’esprit au xve siècle ! N’ayant point rencontré de place dans l’Église où ils n’eussent certainement accepté qu’une charge de Cardinal ou de Pape, ils ne pouvaient, en ces temps d’ignorance et de troubles, que se réfugier chez un grand seigneur comme Gilles, le seul même, à cette époque, qui fût assez intelligent et assez instruit pour les comprendre.

En résumé, mysticisme naturel d’une part et fréquentation quotidienne de savants hantés par le Satanisme, de l’autre. Une misère grandissante à l’horizon et que les volontés du Diable pouvaient conjurer, peut-être ; une curiosité ardente, folle, pour les sciences défendues ; tout cela explique que, peu à peu, à mesure que ses liaisons avec le monde des alchimistes et des sorciers se resserrent, il se jette dans l’occulte et soit mené par lui aux plus invraisemblables crimes.

Puis, au point de vue de ces égorgements d’enfants qui ne furent point immédiats, car Gilles ne viola et ne trucida les petits garçons qu’après que