Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/216

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carnaval d’invalides, mais bientôt son hilarité cessa. Il distinguait deux petites sœurs des Pauvres qui conduisaient ce lycée de fossiles et il comprenait. Ces braves gens étaient vêtus avec des hardes quêtées, ils étaient habillés avec des fonds d’armoires dont personne ne voulait plus ; la cocasserie de leur accoutrement devenait touchante ; les petites sœurs avaient dû se donner bien du mal pour utiliser ces déchets de la charité et les vieux enfants, peu au courant des modes, se rengorgeaient très fiers d’être ainsi mis.

Durtal les suivit jusqu’à la Cathédrale. Quand il arriva sur la petite place, le cortège, cahoté par un coup de vent, se débattait, pendu à des bannières qui se gonflaient ainsi que des voiles de navire et entraînaient les hommes cramponnés à leurs hampes. Enfin, tant bien que mal, tout ce monde s’était engouffré dans la Basilique. Le Te Deum avait jailli dans le torrent des orgues. A ce moment, il semblait qu’exaltée par ce chant magnifique, l’Eglise lancée dans les airs en un jet éperdu, montât encore ; l’écho s’y répercutait à travers les siècles de cet hymne de triomphe qui avait tant de fois retenti sous ses voûtes ; pour une fois maintenant la musique était d’accord avec la nef, parlait la langue que la Cathédrale avait depuis son enfance apprise.

Durtal exulta. Il lui parut que, dans ses vitres de feu, Notre-Dame souriait, émue par ces accents que des Saints qu’Elle aima créèrent pour qu’ils pussent à jamais résumer en une décisive mélodie, en une unique prose, les louanges dispersées des fidèles, les joies informulées des foules.

Mais subitement, sa griserie s’évapora ; le Te Deum