Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/284

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— Va pour cet arbrisseau, s’écria Durtal — nous avons maintenant le lys.

— Ici je vous arrête, clama l’abbé Plomb, car il faut tout d’abord établir que le Lys des Ecritures n’est nullement, ainsi qu’on le croit, la fleur connue sous ce nom. Le lys ordinaire, celui qui fleurit en Europe et qui est devenu, même avant le Moyen Age, l’emblème de la Virginité dans l’Eglise, ne paraît pas avoir jamais poussé en Palestine ; d’ailleurs quand le Cantique des Cantiques compare la bouche de la Bien-aimée à cette plante, il n’entend évidemment pas admirer des lèvres blanches, mais bien des lèvres rouges.

Le végétal désigné sous le nom de lys des vallées, de lys des champs, dans la Bible, est tout bonnement l’anémone. L’abbé Vigouroux le démontre.

Elle foisonne en Syrie, à Jérusalem, en Galilée, sur le mont des Olives, cette fleur qui jaillit de feuilles découpées et alternées d’un vert opulent et sourd et qui ressemble à un coquelicot délicat et subtil, suggère l’idée d’une plante patricienne, d’une petite infante, fraîche et pure, dans de coquets atours.

— Il est certain, fit Durtal, que la candeur du lys n’apparaît guère ; car son parfum, si l’on y réfléchit, est absolument le contraire d’une senteur chaste. C’est un mélange de miel et de poivre, quelque chose d’âcre et de doucereux, de pâle et de fort ; cela tient de la conserve aphrodisiaque du Levant et de la confiture érotique de l’Inde.

— Mais enfin, observa l’abbé Gévresin, en admettant qu’il n’y ait jamais eu de lys en Terre Sainte — et est-ce bien vrai ? — il n’en reste pas moins acquis que l’Antiquité,