Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/151

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sur son tabouret, je me suis mise sur ses genoux, je lui ai enveloppé le cou avec les bras, et comme j’avais la bouche près de son oreille, je lui ai soufflé du chaud là dedans. — Je glissais sur ses genoux qui tremblaient, nous ne parlions plus ; seulement il y avait dans la pièce un sacré vieux meuble qui pétait à tout moment ; tu n’as pas idée comme c’était agaçant ! J’étais lourde tout de même, il avait les jambes éreintées, j’allais tomber, il m’a retenue avec les mains ; il avait des yeux qui flambaient, de la sueur au front, et l’on ne voyait plus que le petit bout de ses dents entre ses lèvres. Je me suis dit : toi, tu es fichu ! Il a fini par m’embrasser vite, là, sur le cou, près des frisettes qu’il mordait en grognant ; j’ai retourné un peu la tête, nous nous sommes touché le nez et la bouche ; il avait les yeux qui se fermaient et se rouvraient, l’air égaré ; bref, j’ai dégringolé en me cramponnant à lui. Ce qui est embêtant, dans tout cela, c’est que j’ai un des cerceaux de ma crinoline qui s’est rompu ; mais baste ! ça n’est rien ; ce qui est drôle tout de même, c’est que ce bonhomme, qui était froid comme une glace, était après ça comme un chien qui a retrouvé son maître ! Il n’y avait plus de tranquillité possible avec lui ! Il allait, il venait, il m’embrassait, v’lan ! sur le nez, v’lan sur les yeux, sur la bouche en plein ! Ah ! je te prie de croire qu’il avait