Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/256

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avec lequel on vit, de se venger de ses dédains ou de ses bontés, de prendre une revanche. — Ces désirs devinrent plus arrêtés, plus vifs, un certain dimanche. Après une lutte de plus d’une heure, elle avait brisé Cyprien qui la sortit. Ils se tiraillaient au bras l’un de l’autre, dans la rue. Il lui jetait des mots désagréables tout le long du chemin ou bien il répondait au hasard, lui laissant ainsi voir qu’il ne l’écoutait même pas. Elle se taisait, examinait d’un air affligé les boutiques devant lesquelles elle n’avait même plus la permission de s’arrêter, quand un couple dévala sur l’autre trottoir. Elle demeura pâmée. — C’était Anatole qui, d’un air vainqueur, se penchait amoureusement sur le visage d’une femme avenante et remise à neuf. Ils paraissaient très heureux. Des intonations grotesques d’homme qui sait comment amuser une fille, et des rires provoqués par ces farces grasses, s’échappaient du couple. On devinait une journée de godailles à la flan, dans les cabarets, de régalades sans prétention, dans les bastringues. Anatole aperçut Céline ; il la choya d’un œil en coulisse, d’un œil invitant, et il se dandina, avec ses faucilles de cheveux sur les tempes et sa casquette infléchie sur la droite, très satisfait que son ancienne maîtresse pût voir qu’il moissonnait des femmes mûres et bien nippées.