Aller au contenu

Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Léo pensa défaillir. Il venait de reconnaître Marthe dans ce bataillon d’histrionnes ; elle devint affreusement pâle et l’attendit. Il s’arrêta devant elle, l’œil en feu, tremblant de tous ses membres. Il voulut parler, sentit comme une main qui lui serrait la gorge et anonnant, bredouillant, fou de rage, il fit avec le bras ce geste de dégoût des Parisiens et, poussé par son ami, assourdi par les huées des gens qu’il bousculait, il se trouva dehors sans qu’il sût comment.

Quand il fut parti, Ginginet surprit un geste éploré de Marthe. Il demeura pensif, puis il l’appela et la fit monter dans sa chambre, un taudion formé de lattis et de plâtre, et se croisant les bras, il lui dit :

— Eh bien ?

Comme elle ne répondait pas, il reprit, s’affolant à mesure qu’il parlait :

— Tiens, vois-tu, j’en ai plein le cœur. Je t’ai tirée de la piolle où tu gisais, les quatre fers en l’air, je t’ai fait rayer des contrôles de la Préfecture, je t’ai amenée ici, tu piffres, tu boissonnes, tu fumes, c’est tout dans la vie, ça ! Tu as le plus beau sort qu’une femme puisse envier, et, en échange de ce paradis, en échange de toutes ces