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Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/31

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métier était fait ; elle était passée vassale du premier venu, ouvrière en passions. Un soir, elle rencontra dans un bal où elle cherchait fortune en compagnie d’une grande gaupe, à la taille joncée et aux yeux couleur de terre de sienne, un jeune homme qui semblait en quête d’aventures. Marthe, avec sa bouche aux rougeurs de groseille, sa petite moue câline alors qu’il la lutina, sa prestance de déesse de barrière, son regard qui se mourait, en brûlant, affama ce naïf qu’elle emmena chez elle. Cet accident devint bientôt une habitude. Ils finirent même par vivre ensemble. Chassés d’hôtels en hôtels, ils se blottirent dans un affreux terrier situé rue du Cherche-Midi.

Cette maison avait toutes les allures d’un bouge. Porte rouilleuse, zébrée de sang de bœuf et d’ocre, long corridor obscur dont les murs suintaient des gouttes noires comme du café, escalier étrange, criant à chaque pesée de bottes, imprégné des immondes senteurs des éviers et de l’odeur des latrines dont les portes battaient à tous les vents. Ce fut au troisième étage de ce logis qu’ils choisirent une chambre, tapissée de papier à fleurs, éraillé par endroits, laissant couler par d’autres une pluie fine de plâtre. Il n’y avait