Page:Huysmans - Prières et pensées chrétiennes (1910).djvu/25

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Durtal s’étonne. Mais où veut-il en venir, ce prêtre avec sa « médecine expectante » ? C’est comme s’il m’avait dit : « Cuisez dans votre jus ! » Je ne suis pas plus avancé.

Cependant l’abbé Gévresin avait vu très juste. Il est souvent indispensable au pécheur de « cuire dans son jus » avant de recevoir la définitive illumination. La vie de Durtal, cette vie qu’il abominait, n’était pas encore assez mûre pour se détacher d’elle-même ; il ne fallait ni agiter les branches, ni porter la gaule sur le fruit, sans quoi l’on s’exposait à le gâter, tant il était délicat.

Et d’ailleurs ce n’était pas dans le monde, où tout l’aurait choqué, que le nouveau converti allait recouvrer la paix de sa conscience ; mais dans un cloître, loin du milieu moderne et parmi de vrais mystiques. Et l’abbé le savait bien, lui qui préparait de longue main Durtal à ce sacrifice, par des lectures de sainte Thérèse et de saint Jean-de-la-Croix et par le spectacle d’une prise de voile chez les Bénédictines.

Je n’insisterai pas sur le séjour de Durtal à la Trappe. Il m’en coûte, certes, de mentionner brièvement les pages inoubliables, où il raconte sa confession, pages qu’il est impossible à qui que ce soit d’écrire, si l’on n’a pas soi-même haleté et pleuré aux pieds d’un prêtre : et j’ai le regret de ne citer que pour mémoire des épisodes qui dégagent une émotion