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Page:Huysmans - Prières et pensées chrétiennes (1910).djvu/38

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cabinet de travail, dont les murs tapissés de livres du haut en bas, accueillaient si cordialement les amis. On ne le surprenait plus à sa table, courbé devant les grandes feuilles de papier qu’il recouvrait de son écriture nerveuse et menue, le nez chaussé d’extraordinaires besicles rondes, cerclées de corne. Et il ne vous recevait plus, la main tendue, avec le malicieux sourire qui pétillait jusque dans ses yeux bleus et qui dissipait pour un instant la mélancolie de ce maigre visage, au nez finement busqué, à la courte barbiche grise, et que surmontait un front en coupole, planté de cheveux raides et drus.

Il entrait maintenant pour vous saluer de quelques brèves paroles, lui si friand de ces interminables causeries où jaillissaient les paradoxes et les réflexions cocasses. La maladie lui avait ravagé les traits et creusé les yeux ; ce n’était plus qu’un fantôme dans des vêtements qui flottaient ; mais il roulait toujours, entre ses longs doigts d’artiste, l’incessante cigarette qu’il fumait encore quelques heures avant de mourir.

Ou bien on pénétrait dans sa chambre et l’on trouvait, près de son lit, un vieux prieur bénédictin, celui qu’il appelait le dur-à-cuir du Bon Dieu et l’on assistait à un entretien sublime entre le moine et l’écrivain, où tous deux se donnaient la réplique pour exalter les bienfaits de la divine souffrance.