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Page:Huysmans - Sainte Lydwine de Schiedam (1912).djvu/93

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et nièce que l’on eût écartés par crainte de la diffusion du mal ; elle fût, dès lors, sans que quiconque l’eût pu visiter, demeurée inconnue et les exemples auxquels Dieu désirait qu’elle servît, seraient à jamais ignorés.

Il faut noter aussi que cette question des soins à lui donner paraît avoir été envisagée d’une façon très particulière par Notre Seigneur. Il l’accabla de tourments, il la défigura en substituant au charme de son clair visage l’horreur d’une face boursouflée, d’une sorte de mufle léonin raviné par des rigoles de larmes et des rainures de sang ; il la mua en un squelette et bomba sur cette consternante maigreur le dôme ridicule d’un ventre rempli d’eau ; il la promut, pour ceux qui ne voient que les apparences, hideuse ; mais s’il accumula sur elle toutes les disgrâces des formes, il entendit que les gardes-malades chargées de la panser ne pussent être dégoûtées et lassées de leurs charitables offices, par l’odeur de décomposition qui devait forcément s’exhaler des plaies.

En un constant miracle, il fit de ces blessures des cassolettes de parfums ; les emplâtres que l’on enlevait, pullulant de vermines, embaumaient ; le pus sentait bon, les vomissements effluaient de délicats arômes ; et de ce corps en charpie qu’il dispensait de ces tristes exigences qui rendent les pauvres alités si honteux, il voulut qu’il émanât toujours un relent exquis de coques et d’épices du Levant, une fragrance à la fois énergique et douillette, quelque chose comme un fumet bien biblique de cinnamome et bien hollandais, de cannelle.