Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome I.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
7
D’IBN KHALDOUN.


renfermer dans un cercle plus étroit ; renonçant à se porter jusqu’aux points les plus éloignés dans l’exploration d’un champ si vaste, ils se bornèrent à fixer par écrit les renseignements épars qui se rattachaient aux faits qui marquaient leur époque. Chacun d’eux traita à fond l’histoire de son pays ou du lieu de sa naissance, et se contenta de raconter les événements qui concernaient sa ville et la dynastie sous laquelle il vivait. C’est ce que fit Ibn Haiyan[1], historiographe de l’Espagne et de la dynastie oméiade établie dans ce pays, ainsi qu’Ibn er-Rakik, l’historien de l’Ifrîkiya[2] et des souverains de Cairouan.

Ceux qui ont écrit après eux ne furent que de simples imitateurs, à l’esprit lourd, à l’intelligence boi-née, des gens sans jugement, qui se contentèrent de suivre en tout point le même plan que leurs devanciers, de se régler sur le même modèle, sans remarquer les modifications que la marche du temps imprime aux événements, et les changements qu’elle opère dans les usages des peuples et des nations. Ces hommes ont tiré de l’histoire des dynasties et des siècles passés une suite de récits que l’on peut regarder comme de vains simulacres dépourvus de substance, comme des fourreaux d’épée auxquels on aurait enlevé les lames; récits dont le lecteur est en droit de se méfier, parce qu’il ne peut pas savoir s’ils sont anciens (et authentiques) ou modernes (et controuvés). Ce qu’ils rapportent, ce

  1. Pour ابن ابو حيان, lisez ابن حيان. Abou-Merouan Haiyan Ibn Khalef, natif de Cordoue et généralement connu sous le nom d’Ibn Haiyan, composa deux grands ouvrages sur l’histoire de l’Espagne musulmane, le Moctabès, en dix volumes, et le Mutîn, en soixante. On ne possède en Europe qu’un seul volume du Moctabès; le Matin est resté inconnu. Cet historien mérite bien la haute réputation dont il a toujours joui. Né en l’an 677 (987-88 de J.-C.), il mourut en 469 (1076).
  2. Chez les historiens arabes, le mot Ifrikiya désigne la Mauritanie orientale. La régence actuelle de Tunis, celle de Tripoli et la province de Constantine, formaient le royaume de l’Ifrîkiya, pendant que le reste de l’Algérie et les États marocains composaient le Maghreb. — Abou-Ishac Ibn er-Rekîk composa aussi une notice généalogique des tribus berbères. Il mourut postérieurement à l’an 340 (952 de J.-C.). (Voyez le Journal asiatique de septembre 1844.)