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PROLÉGOMÈNES


sont des faits dont ils laissent ignorer les causes, des renseignements dont ils n’ont pas su apprécier la nature ni vérifier les détails. Dans leurs compositions, ils reproduisent bien exactement les récits qui courent parmi le peuple, suivant ainsi l’exemple des écrivains qui les ont précédés dans la même carrière ; mais ils n’entreprennent pas d’indiquer les origines des nations, parce qu’ils n’ont personne capable de leur fournir ces renseignements ; aussi les pages de leurs volumes restent P. 5. muettes à ce sujet. S’ils entreprennent de retracer l’histoire d’une dynastie, ils racontent les faits dans une narration uniforme, conservant tous les récits, vrais ou faux ; mais ils ne s’occupent nullement d’examiner quelle était l’origine de cette famille. Ils n’indiquent pas les motifs qui ont amené cette dynastie à déployer son drapeau et à manifester sa puissance, ni les causes qui l’ont forcée à s’arrêter dans sa carrière. Le lecteur cherche donc en vain à reconnaître l’origine des événements, leur importance relative et les causes qui les ont produits, soit simultanément, soit successivement ; il ne sait comment soulever le voile qui cache les différences ou les analogies que ces événements peuvent présenter. C’est ce qui sera exposé complètement dans les premiers chapitres de cet ouvrage.

D’autres, qui vinrent après eux, affectèrent un excès de brièveté et se contentèrent de mentionner les noms des rois, sans rapporter les généalogies ni l’histoire de ces princes ; ils y ajoutèrent seulement le nombre des années de leur règne, exprimé au moyen des chiffres appelés ghobar[1]. C’est ce qu’a fait Ibn Rechik[2] dans son Mizan el-Amel[3], ainsi que plusieurs autres écrivains peu dignes d’attention. Dans quelque cas que ce soit[4], aucun égard n’est dû aux paroles
  1. Voy. la Grammaire arabe de Silv. de Sacy, 2e édit. t. I, p. 91 et planche VIII.
  2. Abou Ali el-Hacen Ibn Rechîk, natif de Cairouan et auteur de plusieurs ouvrages philologiques, poétiques et historiques, mourut à Mazzera, en Sicile, l’an 463 (1070).
  3. Haddji Khalifa dit que, dans cet ouvrage, l’auteur se borne à indiquer combien de jours chaque souverain avait régné.
  4. Littéral. «qu’ils changent de place ou qu’ils restent tranquilles ; » expression analogue à celle-ci : لا يُرّ ولا يَاى, « cela n’est ni amer ni doux ; c’est-à-dire, c’est indifférent, peu importe.»