Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome I.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les autres peuples, la nature suit son cours et s’oppose à l’existence d’un pareil fait, ainsi que les preuves l’attestent. Quant à l’impossibilité d’un combat entre de pareilles armées, elle est réelle ; mais ce combat n’a pas eu lieu et rien n’en a amené la nécessité. Il est parfaitement vrai que chaque royaume met sur pied un nombre de soldats proportionné à ses moyens; mais les Israélites, dans l’origine, n’étaient pas guerriers et n’avaient pas fondé un empire. L’accroissement extraordinaire de leur nombre avait pour but de leur faire conquérir la terre de Canaan, que Dieu leur avait promise, et ce fut en leur faveur qu’il purifia le territoire de ce pays. Or tout cela constitue des miracles, et Dieu dirige les hommes vers la vérité.

Parmi les récits improbables que les historiens ont accueillis, il faut ranger ce qu’ils racontent tous, relativement aux Tobbâ, souverains du Yémen et de la presqu’île des Arabes. Ils prétendent que ces princes, partant du Yémen , siége de leur empire, allèrent porter la guerre en Ifrîkiya, combattre les Berbers de l’Occident (Maghreb), marcher contre les Turcs et envahir le pays des Tibétains en Orient; qu’Ifrîcos, fils de Caïs, fils de Saïfi, l’un des plus puissants parmi leurs anciens rois, et qui vivait à l’époque de Moïse ou peu auparavant, entreprit une expédition en Ifrîkiya et fit un massacre des Berbers. Ce fut lui, disent-ils, qui leur donna ce nom, attendu qu’il s’écria, lorsqu’il entendit leur langage barbare : « Quel est donc ce jargon (berbera) ? » Ils ajoutent que de là vient le nom que ce peuple a toujours porté depuis cette époque; que ce prince, à son départ du Maghreb, laissa dans cette contrée plusieurs corps de troupes composés de tribus himyerites; qu’elles s’y établirent et se mêlèrent avec les habitants primitifs, et que de ces tribus descendent les Sanhadja et les Ketama. D’après tout cela Taberi, El-Djordjani[1],P. 14.

  1. Le cadi Abou’i-Hacen Ali el-Djordjani, docteur du rite chafeïte, fut un des hommes les plus savants de son siècle. Il laissa un recueil de généalogies intitulé El-Mouéthac (l’Authentique) qui est cité par notre auteur dans l’Histoire des Berbers. El-Djordjani mourut à Neïsapour, l'an 366 (976 de J.C.), ou, selon un historien cité par Ibn Khallikan, en l’an 392 (1001-2 de J.C.).