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28 PROLÉGOMÈNES

l'administration de son empire. Leur influence était devenue énorme, ,et leur renommée s'était répandue au loin. Les dignités de l'empire , tous les emplois administratifs, les charges de vizir, de ministre, de commandant militaire, de chambellan, les grandes places d'épée et de plume, étaient remplies par de hauts fonctionnaires choisis parmi les enfants des Barmékides ou leurs créatures ; toute autre personne en était écartée. On rapporte qu'à la cour d'Er-Rechîd se trouvaient vingt-cinq grands dignitaires militaires ou civils, qui tous étaient fils de Yahya Ibn Khaled, et qui avaient écarté des emplois les autres courtisans, ainsi que, dans une foule, on se fait place et on repousse les autres avec les épaules et avec les mains. Tout cela était un effet du crédit dont leur père Yahya jouissait auprès d'Er-Rechîd, parce qu'il avait conduit toutes ses affaires, d'abord lorsque ce sou- verain n'était encore que prince héréditaire, et ensuite quand il fut devenu khalife. C'était sous sa garde qu'Er-Rechîd avait grandi , et sous son aile qu'il avait passé sa jeunesse; aussi Yahya avait pris sur lui un entier ascendant, et le khalife, en lui parlant, l'appelait mon père. Il traitait avec une faveur spéciale les membres de cette famille; ceux-ci, de leur côté, affectaient une insolence excessive et exerçaient une influence sans bornes. Tous les visages étaient tournés vers eux; toutes les têtes s'inclinaient en leur présence ; sur eux seuls repo- P. 21. saient toutes les espérances; des contrées les plus éloignées, les rois et les émirs' leur envoyaient des présents magnifiques; de toute part on faisait couler les revenus de l'empire dans leurs trésors, pour capter leur faveur et acheter leur bienveillance. Ils répandaient leurs dons sur les partisans de la dynastie abbacide^, et ils enchaînaient par leurs bienfaits les principaux membres de cette famille ; ils enrichis- saient les pauvres appartenant à de bonnes maisons ; ils rendaient la hberté aux prisonniers; aussi recevaient-ils des louanges supérieures

' Le mol émirs désigne ici les gouver- d'un parti [chiyâ), organisé en société se-

neurs des provinces. crête par des missionnaires. Il en était de

' Lilt. les hommes de la cAiyiî. Les Ab- même des Alides, et le titre de chiyâ

bacides arrivèrent au pouvoir avec l'aide [chutes] est resté à leur parti.

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