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D'IBN KHALDOUN. 57

fondamentaux de l'art du gouvernement, le vrai caractère des évé- nements, les différences offertes par les nations, les pays et les temps en ce qui regarde les mœurs, les usages, la conduite, les opinions, les sentiments religieux et toutes les circonstances qui influent sur la société. Il doit savoir ce qui, de tout cela, subsiste encore, afin de pouvoir comparer le présent avec le passé, distin- guer les points dans lesquels ils s'accordent ou se contredisent, montrer les raisons de ces analogies et de ces dissemblances, ex- pliquer l'origine des dynasties et des religions, indiquer les époques où elles ont paru, les causes qui ont présidé à leur naissance, les faits qui ont provoqué leur existence, la position et l'histoire de ceux qui ont contribué à les établir. En un mot, il doit connaître à fond les causes de chaque événement, et les sources de chaque renseigne- ment. Alors il pourra comparer les narrations qu'on lui a transmises avec les principes et les règles qu'il tient à sa disposition; si un fait s'accorde avec ces règles et répond à tout ce qu'elles exigent, il peut P- 44. le considérer comme authentique; sinon il doit le regarder comme apocryphe et le rejeter.

C'est en supposant l'emploi de cette attention scrupuleuse par les historiens, que les anciens ont accordé à leurs travaux la plus haute estime. Plusieurs savants, tels que Taberi, El-Bokhari, et leur prédé- cesseur Ibn Ishac, ont adopté cette marche, tandis que d'autres, en. grand nombre, n'y ont pas même songé; aussi ces derniers, dans leurs écrits , ne font que déceler leur ignorance du secret que tout historiographe doit connaître. Les esprits vulgaires et ceux à qui il manque des connaissances solides ont du mépris pour les ouvrages historiques; ils ne veulent pas en apprendre le contenu, ni en faire le sujet de leurs études, ni mettre quelque empressement à se les procurer; (car, dans ces traités, on voit, pour ainsi dire, que) le trou- peau bien entretenu est confondu avec celui auquel on n'avait donné aucun soin, que les noyaux sont mêlés avec les coques et que le mensonge est incorporé avec la vérité. Le terme de toute chose est en Dieu. {Coran, sour. xxxr, vers. 2 i.)

Prolégomènes. 8 ■

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