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56 PROLÉGOMÈNES

seul titre qui lui donnât le droit du commandement, ni le motif qui engageât la foule à le suivre. Cet empressement dut son origine au sentiment national des Hergha et des Masmouda, à l'esprit de tribu qui distinguait le Mehdi et à son origine masmoudienne. Sa des- cendance de Fatéma était un fait caché, dont le souvenir, effacé de l'esprit de la multitude, ne se conservait plus que chez lui et chez ses parents, qui se l'étaient transmis les uns aux autres. Il s'était dé- pouillé , pour ainsi dire, de cette première généalogie afin de paraître avec le caractère et l'aspect^ d'un vrai Masmoudien. Elle ne pouvait donc porter aucune atteinte à sa nationalité, attendu qu'elle était in- connue à ses compatriotes. On a de fréquents exemples d'une généa- logie secondaire conservant sa validité , pendant que la généalogie primitive demeure cachée. Que l'on se rappelle l'anecdote d'Arfadja P. iS. et de Djerîr : il s'agissait de donner un chef à la tribu de Bedjila, et Arfadja, qui appartenait réellement à la tribu d'Azd, s'attribua la qualité de Bedj élite et disputa à Djerir, en présence du khalife Omar, le commandement de ce peuple, et ce fait est cité par les historiens. Cet exemple fera comprendre la justesse de notre obser- vation , et c'est Dieu qui dirige les hommes vers la vérité.

Peu s'en est fallu que nous nous soyons écarté du but de cet ou- vrage en nous étendant sur ce genre d'erreurs; mais des hommes dont la parole fait autorité, des compilateurs de traditions histori- ques, ont souvent bronché en accueillant des opinions et des récits de la nature de ceux que nous avons signalés. Ces faux renseigne- ments se gravent dans leur esprit; la majorité des lecteurs, qui se compose d'hommes nullement judicieux et peu disposés à employer les règles de la critique, reçoit d'eux ces récits et les adopte égale- ment, sans examen et sans réflexion. Tout cela, s'étant incorporé dans la masse des connaissances acquises, a fait de l'histoire un mélange d'invraisemblances et d'erreurs qui embarrassent l'esprit du lecteur et qui font mettre au même niveau les fables et les renseignements historiques. Il faut donc que l'historien connaisse les principes ' Littéral. « pour se revêtir de la peau de ceux-ci. »

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