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entend raconter les événements des temps passés et qui ne se doute pas des modifications ni des changements survenus dans la société humaine, établit, au premier abord , un rapprochement entre ces faits et les choses qu'il a apprises ou dont il a été témoin. Or comme ces deux termes de comparaison peuvent offrir des différences considéra- bles, on s'expose à commettre de graves méprises.

Il faut ranger dans ce genre d'erreurs ce que les historiens racon- tent au sujet d'El-Haddjadj. Son père, disent-ils, était maître d'école. Or, de nos jours, l'enseignement est un métier^ que l'on exerce pour vivre et qui ne convient en aucune façon aux personnes dont la famille exerce une grande influence. Le maître d'école est un être • sans conséquence; il occupe dans la société une position inférieure et ne fait aucune figure dans le monde. Beaucoup de gens pauvres, qui exercent des arts ou des métiers pour gagner leur vie, s'ima- ginent qu'à l'exemple d'El-Haddjadj ils pourront atteindre aux plus hautes destinées, bien qu'ils n'en soient pas dignes, et ils se figu- rent qu'un tel changement ne serait pas impossible. Cédant aux suggestions de l'ambition, ils cherchent à monter aux honneurs; mais la corde qu'ils tiennent entre les mains se casse , et ils tombent dans un précipice où la mort et la ruine les attendent. Ils ne comprennent pas combien de pareilles prétentions sont absurdes chez des gens de leur espèce, des malheureux qui doivent exercer un art ou un métier pour soutenir leur existence. Il n'en était pas ainsi sous les deux premières dynasties de l'islamisme : à cette épo- que, l'enseignement ne passait nullement pour un métier; il consis- tait à communiquer aux autres les ordres qu'on avait entendus de la bouche du législateur, et à leur apprendre les principes religieux dont ils n'avaient point de connaissance, et cela se faisait à titre de communication gratuite. Aussi les hommes de haute naissance et les p. i-j. puissants chefs de tribu qui avaient combattu pour établir la religion étaient ceux qui enseignaient le Coran et les lois émanées du Pro- phète ; c'était de leur part une simple communication de doctrines, et

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