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D'IBN KHALDOUN. 181

supérieure à leur humidité primitive et naturelle, et qui finit par de- venir excessive. Or lorsque ces hommes se trouvent, contre leur habi- tude, réduits à vivre d'une petite quantité d'aliments, à se passer d'assaisonnements et à user d'une nourriture grossière , à laquelle ils ne sont pas accoutumés, les intestins ne tardent pas à se dessécher et à se contracter. Mais cet organe est extrêmement faible et compte parmi ceux dont la lésion cause la mort; aussi les maladies s'y dé- clarent promptement et amènent une mort rapide. Ceux qui meurent de la famine périssent, moins par suite de la faim actuelle, que P. 165. par l'effet de cette abondance de nourriture à laquelle ils étaient primitivement habitués. Quant à ceux qui sont accoutumés à vivre de laitage et à se passer de beurre et d'assaisonnements, leur humi- dité naturelle reste dans son état ordinaire, sans aucun accroissement. De tous les aliments qui sont naturels à l'homme, c'est assurément le plus sain; aussi ces gens n'éprouvent dans les intestins, ni la séche- resse , ni l'altération qui résultent d'un changement de régime, et ils échappent presque tous à la mortalité qu'une nourriture trop abondante et l'excès d'assaisonnements provoquent chez les autres hommes.

Tous ces cas peuvent se réduire à un seul principe : c'est par suite de l'habitude que l'on s'accoutume à certains aliments ou que l'on acquiert la faculté de s'en passer. Celui qui prend souvent une nourri- ture qui convient à sa constitution s'y habitue, et s'il devait y re- noncer (subitement) ou la remplacer (immédiatement) par une autre, il tomberait malade. (Pour produire cet effet) il n'est pas né- cessaire que le nouvel aliment soit dépourvu de qualités nutri- tives ou qu'il appartienne à la classe des poisons, des sucs acres de certaines plantes, de ces matières dont le caractère est tout à fait anomal. Mais tout ce qui peut nourrir le corps et lui convenir devient, par l'usage, un aliment habituel; ainsi, quand un homme entreprend de remplacer par le lait et les légumes sa nourriture ordinaire, qui consistait en blé et en grains, et qu'il s'est ha- bitué à ce changement , ces substances deviennent pour lui un

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