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258 PROLÉGOMÈNES

ainsi di^e^ la racine d'où l'aisance est sortie. La vie de la campagne a dû précéder celle des villes ; en effet, l'homme pense d'abord au nécessaire; il doit se le procurer avant d'aspirer à l'aisance. Donc la rudesse de la vie des champs a existé avant les rafTinements de la vie sédentaire; aussi voyons-nous la civilisation, née dans les champs, se terminer par la fondation des villes, et tendre forcément vers ce but. Aussitôt que les gens de la campagne arrivent à ce degré de bien-être^ qui dispose aux habitudes du luxe, ils recherchent les commodités de la vie et se laissent entraîner vers la vie sédentaire. C'est ce qui a eu lieu pour toutes les tribus nomades^. Le citadin, au contraire, ne recherche pas la vie des champs, à moins d'y être forcé, ou de ne pouvoir atteindre à l'aisance dont on jouit dans les villes. Un autre fait peut démontrer que la vie nomade a précédé la vie sédentaire et lui a donné naissance : si nous prenons des ren- seignements au sujet des habitants de quelque ville que ce soit, nous trouverons que la plupart d'entre eux descendent de familles qui demeuraient dans les villages des alentours ou dans les campagnes voisines. Leurs aïeux, devenus riches, vinrent se fixer dans la ville, afin de goûter la tranquillité et le bien-être qu elle leur offrait. Cet exemple montre que la vie sédentaire est venue après la vie des champs et qu'elle est une branche sortie de cette souche. Le lecteur est prié d'observer l'importance de ce principe. Nous pouvons ajouter que les populations des villes ne se ressemblent pas toujours en ce qui regarde leur manière d'être, et qu'il en est de même de celles des campagnes : certaines peuplades et certaines tribus sont plus puis- P- 2a5. santés que d'autres, et il y a des villes qui surpassent les autres en grandeur ou en population.

D'après ces observations on reconnaîtra que la vie de campagne a existé avant celle des villes et qu'elle lui a donné naissance; on conviendra aussi que faisance et les habitudes de luxe dont on jouit

' Lisez (jlîT. — ^ Littéral, «quand ils ont obtenu des plumes. » — ' Pour Jùj-iwlf, lisez *jô>^f-

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