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menter leurs plaisirs. Les habitudes qui règlent leur conduite sont aussi simples que leur vie. On pourra trouver dans leurs actes et dans leur caractère bien des choses à reprendre; mais ces défauts paraî- traient peu graves, si l'on jetait les yeux ensuite sur les mœurs des habitants des villes. Comparés avec eux, ils se rapprochent bien plus du naturel primitif de l'homme, et leurs âmes sont moins exposées à recevoir les impressions que les mauvaises habitudes laissent après elles. Il est donc clair que, pour les corriger et les ramener dans la bonne voie, on aura moins de peine qu'avec les habitants des villes. Plus loin, nous aurons l'occasion de démontrer que la vie séden- taire est le terme où la civilisation vient s'arrêter et se corrompre; c'est là que le mal atteint toute sa force et que le bien ne saurait se trouver.

Ce qui précède suffit pour démontrer que les gens de la campa- gne sont plus enclins à la vertu que les habitants des villes. Diea aime ceux qui le craignent [Coran, sour. ix, vers. A)-

Il ne faut pas opposer à cette doctrine une parole d'El-Haddjadj, rapportée par El-Bokharl dans son recueil de traditions. Ce chef, ayant appris que Selma Ibn el-Akouà était allé habiter le désert, l'in- terpella en ces termes : « Tu es retourné sur tes pas! tu Ces arabisé^! » — «Pas du tout, lui répondit Selma; mais le saint Prophète m'a- vait autorisé à vivre dans le désert. » Pour comprendre la portée de cette anecdote, il faut savoir qu'au commencement de l'islamisme le Prophète avait imposé à ses partisans mecquois le devoir d'émigrer et de le suivre partout, afin de lui donner aide et protection. L'ordre d'émigrer ne s'adressait pas aux Arabes nomades, habitants du dé- P. 327. sert, parce qu'ils ne montraient pas autant de zèle et d'ardeur pour la cause du Prophète que les Mecquois; aussi les émigrés remer- ciaient Dieu de leur avoir épargné la disgrâce d'habiter le désert,

' C'est-à-dire, tu as apostasie. El-Had- et dans leur hypocrisie, et il est naturel

djadj pensait, sans doute, à ces paroles du qu'ils ignorent les préceptes que Dieu a

Coran (sour. IX, vers, 98) : «Les Arabes du révélés, v désert sont endurcis dans leur impiété

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