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304 , PROLÉGOMÈNES

pays des Noirs; de l'autre, ils tenaient sous leurs ordres les royaumes (musulmans) de l'Espagne. Entre ces deux limites tout leur obéis- sait. Voilà ce dont les peuples à demi sauvages sont capables; ils fondent des royaumes qui ont une étendue énorme, et ils font sentir leur autorité jusqu'à une grande distance du pays qui était le berceau de leur puissance. C'est Dieu qui a réglé la succession des nuits et des jours. [Coran, sour. lxxiii, vers. 20.)

Toutes les fois que l'autorité souveraine échappe des mains d'un peuple, elle passe à un autre peuple de la même race, pourvu que celui-ci ait conservé son esprit de corps.

Un peuple qui a soumis d'autres peuples, et qui a fondé un empire par la force des armes, doit avoir des chefs pour le gouverner et pour soutenir le trône. Cet avantage ne saurait appartenir à tous, vu que le grand nombre des concurrents donne lieu à des rivalités sans bornes et à des jalousies qui empêchent bien des ambitieux d'arriver au pouvoir. Le chef désigné pour administrer l'Etat, s'étant ensuite abandonné aux plaisirs, se plonge dans le luxe; il traite ses compatriotes comme des esclaves et les oblige à épuiser leurs forces dans le service du gou- vernement. Les familles qui se voient exclues du pouvoir et qui n'ont obtenu aucune part' au commandement demeurent sous la protec- tion de la dynastie régnante, à laquelle, du reste, elles se rattachent par les liens du sang. Se tenant loin des séductions du luxe, elles se garantissent contre la décrépitude; mais la famille qui règne subit l'in- fluence du temps, perd sa vigueur et tombe dans la caducité; les 265. soins qu'elle doit donner à l'empire brisent ses forces; elle devient le jouet de la fortune^, parce qu'elle s'était énervée dans les plaisirs et avait épuisé ses forces dans les jouissances du luxe. Voilà le terme de sa domination administrative et de son progrès dans la civilisation de la vie sédentaire , mode d'existence naturel à l'espèce humaine.

Ainsi que le ver à soie, elle file sou cocon ^ pour y mourir, frappée d'un revers de fortune.

Pour \j4i^ lisez \jj^ — ^ Littéral. « la fortune y trouve à manger et à boire. » — ' Pour Af^suJ, lisez 44»j. «.jv^

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