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D’IBN KHALDOUN.


monter avant d’arriver au pouvoir. C’est surtout chez les musulmans de l’Espagne que l’on méconnaît l’importance de l’esprit de corps ; depuis très-longtemps ils ont cessé d’apprécier l’influence qu’il peut exercer ; P. 279.ils ne le connaissent plus depuis la dévastation de leurs provinces et l’extinction des tribus et des familles qui avaient conservé ce noble sentiment. Dieu fait ce qu’il veut.

Une dynastie qui parvient à s’établir d’une manière solide cesse de s’appuyer sur le parti qui l’avait portée au pouvoir.
Le souverain qui vient de fonder un grand empire a devant lui une tâche bien difficile, celle d’amener tous les esprits à la soumission. Pour y parvenir, il doit agir (contre ceux de son propre parti) avec autant de vigueur qu’il mettrait à subjuguer un peuple étranger. Sans l’emploi de la force, il ne saurait réduire à l’obéissance des gens qui, jusqu’alors, n’en avaient pas l’habitude. Plus tard, lorsque l’autorité de l’empire est bien établie, et que le haut commandement est resté, comme un héritage, dans la même famille, pendant plusieurs générations et à travers les diverses vicissitudes de la fortune, le peuple oublie comment la dynastie s’est établie. Habitué à voir la même famille exercer toute l’autorité, il finit par croire, comme un article de foi, qu’il doit obéir toujours et combattre pour cette famille avec autant de zèle que pour le maintien de la religion. Dès lors, le chef n’a plus besoin d’un fort parti pour le soutenir, l’obéissance étant devenue comme un devoir imposé par Dieu et dont personne ne songe à s’écarter. Ensuite il profite de la première occasion pour faire ajouter aux dogmes de la foi l’obligation de reconnaître au souverain la qualité de chef spirituel et temporel. A partir de ce moment, l’autorité du prince et de l’empire a pour soutiens les nombreux affranchis et les clients de la famille régnante, les gens qui ont vécu sous la protection de la maison royale et à l’ombre de sa puissance[1]; ou bien elle s’appuie sur des bandes armées appartenant à une autre race et quelle admet dans sa clientèle. Nous en
  1. Pour وغيرها, lisez وعزها.