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342 PROLÉGOMÈNES

espoir de partager le pouvoir avec lui. Il dompte l'ardeur des autres familles qui aspirent au commandement et les empêche d'y arriver; autant que possible, il se réserve toute l'autorité et n'en laisse à personne la moindre portion ^ Gardant pour lui-même tout le pou- voir, ii ne consent jamais à le partager. Le fondateur d'un empire possède toute l'autorité; son successeur en perdra probablement une partie, ou bien ce sera le troisième souverain de la dynastie. Cela dépendra de l'esprit d'indépendance qui anime ses subordonnés et de leurs moyens de résistance. Ce que nous venons d'indiquer doit nécessairement arriver dans tous les empires; c'est une des lois obser- vées par Dieu à regard de ses créatures. [Coran, sour. XL, vers. 85.)

Passons aux causes qui amènent les habitudes du luxe. Un peuple qui en a vaincu un autre et qui a enlevé l'autorité souveraine à ceux qui l'exerçaient parvient à un haut degré de bien-être et d'aisance. Les habitudes du luxe se développent rapidement chez lui et il aban- donne la vie dure et grossière qu'il avait menée jusqu'alors, afin de jouir du superflu et de tous les plaisirs délicats qui font le charme de l'existence. 11 adopte les usages du peuple qu'il vient de remplacer P. 3oi. et commence bientôt à s'apercevoir combien le superflu est indis- pensable. Se laissant entraîner vers toutes les jouissances, il déploie une grande recherche dans sa table, ses vêtements, son mobilier et sa vaisselle. Les individus rivalisent à qui aura les choses les plus belles , et ils tâchent de surpasser les peuples voisins par l'excellence de leur cuisine, la richesse de leurs habits et l'élégance de leurs montures. Cela sert d'exemple à leurs descendants et ne discontinue pas jusqu'à la fin de l'empire. Le degré d'aisance dont ils jouissent est en rapport avec l'étendue de leur domination; chez eux le luxe atteint une limite qui est déterminée par la grandeur de l'empire, par sa force et par les habitudes du peuple auquel ils ont succédé.

Quant à l'amour de l'indolence et du repos, nous dirons qu'un peuple ne parvient pas à posséder un empire, à moins d'en entre-

' Littéral. « ni chameau ni chamelle. »

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