Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome I.djvu/506

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n’a pas le moyen de châtier ses ennemis, ou qui se trouve placé sous les ordres d’un autre souverain, voilà un roi incomplet. Dans cette catégorie se rangent les émirs des provinces et les gouverneurs des pays dont se compose le royaume. Nous pouvons en voir de nombreux exemples dans les empires qui ont une grande étendue; je veux dire que, dans les provinces reculées de chaque empire, on trouve des peuples administrés par des rois qui obéissent tous aux ordres du gouvernement central. Tels furent les rois sanhadjiens (les Zîrides) sous les Fatémides, les rois zénatiens (les Miknaça, les Maghraoua et les Ifrénides’), qui reconnaissaient tantôt l’autorité des Oméiades (espagnols) et tantôt celle des Fatémides; tels furent les princes persans sous les Abbacides, les émirs et les rois berbers, qui, avant l’islamisme, obéissaient aux Francs, les rois des provinces de la Perse sous la domination d’Alexandre et de son peuple, les Grecs. Nous pourrions en citer bien d’autres exemples. Le lecteur qui voudra y regarder avec attention trouvera que nous avons raison. Dieu domine sur ses serviteurs. [Coran, sour. vi, vers. 18.)

Trop de sévérité dans un souverain nuit ordinairement à l’empire.

Ce n’est ni la personne du sultan, ni sa bonne tournure, ni sa P. 34o. beauté, ni sa belle taille, ni son grand savoir, ni l’élégance de son écriture, ni la pénétration de son esprit qui sont utiles au peuple. Ce sont les rapports qui existent entre lui et ses sujets qui leur sont avantageux. En effet, le mot sultan est un terme qui implique un certain rapport, c’est-à-dire une relation qui existe entre deux corrélatifs. Le sultan est, en réalité, celui qui est le maître (ou possesseur) d’un troupeau (de sujets), qui le régit et qui se charge de tout ce qui le concerne. Donc, le sultan est celui qui a des sujets, et les sujets sont ceux qui ont un sultan. La qualité qui lui est propre, en tant qu’il est en relation avec eux, est celle de maîtrise (possession), et signifie qu’il est leur maître. Quand la maîtrise est bonne, ainsi que ses conséquences, le souverain possède toutes les qualités qu’on peut

’ Sur ces dynasties on peut consulter l’Histoire des Berhers.