Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome I.djvu/521

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

D'IBN KHALDOUN. 397

Il nous reste maintenant à exposer pour quel motif on adopta la condition d'être né Coreïchide; le lecteur pourra alors reconnaître la vérité au milieu de cette diversité d'opinions. Nous commencerons par dire que chaque prescription de la loi a un but déterminé et ren- ferme (implicitement) une sage pensée, celle qui motiva sa promul- gation. Or, si nous cherchons les motifs qui firent imposer la con- dition d'être Coreïchide de naissance, et le but du législateur en y donnant son approbation, nous ne nous contenterons pas d'avoir trouvé qu'un de ces motifs était d'attirer sur l'imamat la faveur divine, par l'entremise du Prophète (Coreïchide lui-même). Telle est l'opinion généralement reçue ; mais quant à nous , tout en ad- mettant que la médiation du Prophète a lieu en ce cas, et que la bénédiction divine est effectivement accordée, nous dirons que cette faveur ne saurait être l'objet d'une loi; tous nos lecteurs savent cela très-bien. Il faut donc qu'en établissant la nécessité d'être né Coreï- chide pour remplir les fonctions d'imam , le législateur ait voulu pro- curer au peuple un certain avantage, et que, pour l'obtenir, il ait promulgué cette loi. Après avoir cherché à découvrir quel était cet avantage, nous avons reconnu que la condition d'être Coreïchide avait pour motif la haute importance attachée à l'esprit de corps, à ce sen- timent qui porte chaque tribu à protéger ses amis, et à combattre ses ennemis, et qui, se retrouvant dans le cœur de l'imam, lui donne les moyens de mettre un terme aux disputes et aux conflits qui pour- raient diviser la nation. De cette manière, il gagne la confiance du peuple entier et s'attache tous ses sujets par les liens de l'affection. Or les Coreïchides formaient la tribu la plus noble, la plus ancienne et la plus puissante de la race de Moder. Par leur nombre, leur esprit de corps et leur illustre origine, ils se faisaient respecter de toutes les autres familles descendues de Moder. Le reste du peuple arabe leur reconnaissait ces avantages et s'humiliait devant leur puis- p. 353. sance. Si une autre tribu que celle de Coreïch eût reçu le haut com- mandement , l'esprit d'opposition et d'indépendance qui régnait chez les Arabes aurait fait naître la discorde et mis la désunion dans la nation.

�� �