Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome I.djvu/55

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D'IBN KHALDOUN. xlvh

De mon voyage d'Espagne à Bougie, où je deviens hadjeh avec une autorité absolue.

Ce fut principalement par mes démarches auprès des intimes du sultan Abou Salem, et auprès des gens de plume admis à la cour, que les émirs hafsides obtinrent l'autorisation de rentrer dans leur pays. Abou Abd-Allah me donna en partant une pièce écrite de sa main, par laquelle il s'engagea à me prendre pour kadjeb aussitôt qu'il rentrerait en possession de Bougie. Dans nos royaumes de la Mauritanie, la hidjaba, ou office de hadjeh, consiste à diriger, seul et sans contrôle, l'administration de l'Etat, et à servir d'intermé- diaire entre le sultan et ses grands officiers. Je fis accompagner l'émir Abou Abd-Allah par mon frère cadet, Yahya, que je chargeai de remplir, par intérim , les devoirs de cette charge.

Ensuite eurent lieu mon voyage en Espagne, mon séjour dans ce pays, et le refroidissement d'Ibn el-Khatib à mon égard. J'appris alors qu'Abou Abd-Allah avait enlevé Bougie à son oncle (le sultan Abou Ishac), au mois de ramadan 760 (juin i364 de J. C), et je reçus de cet émir une lettre par laquelle il me pressait d'aller le joindre. Je pris sur-le-champ la résolution de partir; mais le sultan Ibn el-Ahmer (Mohammed V), ne se doutant pas de la mésintelli- gence qui régnait entre son vizir et moi, s'opposa i mon projet. J'in- sistai toutefois d'une manière si tenace, qu'il y donna son consente- ment et me combla de marques de sa bienveillance. Vers le milieu de l'an 766 (février-mars i365 de J. C), je m'embarquai au port d'Almeria, et, après quatre jours de navigation, j'arrivai à Bougie, où le sultan Abou Abd-Allah avait fait de grands préparatifs pour me recevoir. Tous les fonctionnaires de l'Etat vinrent à cheval au-devant de moi; les habitants de la ville se précipitèrent de tous les côtés pour me toucher et me baiser la main; c'était vraiment un jour de fête! Quand j'entrai chez le sultan, il se répandit en souhaits pour mon bonheur, me combla de remerciments, et me revêtit d'une robe d'honneur. Le lendemain une députation, composée des prin- cipaux officiers de l'empire , se présenta à ma porte pour me compli-

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