Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome I.djvu/555

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et qu’Omar s’y opposa. Cela démontre d’une manière évidente que le testament en faveur d’Ali n’a pas été fait. Nous en avons encore une preuve dans une parole d’Omar. Quand il fut frappé à mort par un assassin , on lui demanda s’il ferait un testament : « Un meilleur que moi, répondit- il, en a fait un,» il pensait à Abou Bekr, « et un meilleur que moi n’en a pas fait, » c’est-à-dire, le Prophète ; « je pourrais imiter ou l’un ou l’autre. » Les Compagnons qui avaient assisté à cette déclaration convinrent que le Prophète n’avait pas fait de testament. Une autre preuve est fournie par Ali lui-même. Quand El -Abbas l’invita à entrer avec lui chez le Prophète pour lui demander auquel des deux il léguerait l’autorité, Ali refusa de l’accompagner et lui dit : « S’il ne la donne à aucun de nous, nous devrions y renoncer à jamais. » Donc Ali savait que le Prophète n’avait légué ni promis (l’imamat) à personne.

L’erreur des imamiens provient d’un principe qu’ils ont adopté comme vrai et qui ne l’est pas; ils prétendent que l’imamat est une des colonnes de la religion, tandis que, en réalité, c’est un office institué pour l’avantage général et placé sous la surveillance du peuple. S’il était une des colonnes de la religion, le Prophète aurait eu soin d’en déléguer les fonctions à quelqu’un, de même qu’il l’avait fait pour la prière publique, dont il confia la présidence à Abou Bekr; et il aurait ordonné de publier le nom de son successeur désigné, ainsi qu’il l’avait déjà fait pour ie chef de la prière. Les Compagnons reconnurent Abou Bekr pour khalife, à cause de l’analogie qui existait entre les fonctions de khalife et celles de chef de la prière. « Le Prophète, dirent-ils, l’avait choisi pour veiller à nos intérêts spirituels; pourquoi n’en voudrions-nous pas pour veiller à nos intérêts mondains ? » Cela montre que le Prophète n’avait légué l’imamat à personne, et qu’on attachait à cet office et à sa transmission beaucoup moins d’importance que de nos jours.

Quant à l’esprit de corps, qui, dans les temps ordinaires, sert à unir les hommes ou à les désunir, il n’excitait pas alors une grande attention. A cette époque, la religion musulmane offrait une suite