Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome I.djvu/87

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D'IBN KHALDOUN. lxxix

foi du public et qui, dans ieurs assemblées, se plaisaient à calomnier les hommes de bien, et à insulter tout ce qui méritait le respect; aussi je m'attirai toute leur haine, et ils allèrent se joindre à des gens de leur trempe, les habitants des couvents (les derviches), peuple qui affiche la dévotion pour se faire valoir, tout en insultant à la majesté de Dieu; — des gens qui, lorsqu'on les prenait pour arbitres dans une affaire, la décidaient selon la suggestion de Satan et au mépris de la justice , se mettant ainsi en pleine opposition avec la loi divine, sans se laisser détourner de leur témérité par aucun sentiment religieux.

A tous ces intrigants, j'enlevai l'appui sur lequel ils comptaient; je les fis châtier selon les ordonnances de Dieu, sans que les pro- tecteurs sur lesquels ils comptaient pussent les dérober à ma juste sévérité. Ainsi leurs lieux de retraite demeurèrent abandonnés, et le puits de leurs débordements resta comblé. Ils poussèrent alors des mauvais sujets à m'attaquer dans mon honneur et à répandre toute espèce de calomnies et de mensonges à mon sujet. Ils faisaient même parvenir secrètement au sultan des plaintes au sujet des injustices qu'ils m'attribuaient; mais ce prince ne les écouta pas.

Pendant ce temps j'offrais à Dieu, comme un titre à sa faveur, tous les dégoûts dont on m'abreuvait; je méprisais les intrigues de ces misérables, et je marchais droit mon chemin, avec la résolution ferme et décidée de maintenir le bon droit, d'éviter toutes les vanités du monde, et de me montrer inflexible aux personnes en crédit qui voulaient m'influencer.

Tels n'étaient pas, cependant, les principes des cadis mes con- frères; aussi blâmèrent-ils mon austérité, en me conseillant de suivre le système qu'ils s'étaient accordés à adopter, savoir : de plaire aux grands, de montrer de la déférence pour les gens haut placés, et de juger sous leur influence toutes les fois qu'on pouvait sauver les apparences. « Ou bien, me disaient-ils, renvoyez les parties s'il y a beaucoup de causes à juger; vous pouvez vous fonder sur la maxime qu'un cadi n'est pas obligé de siéger s'il y a un autre cadi dans la lo-

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