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112 PROLÉGOMÈNES

amène ia ruine de l'agriculture et du pays. Dieu donne la subsistance à <jui il veut, et sans compte. [Coran, sour. ii, vers. 208.)

Un autre genre d'oppression encore plus grave et plus nuisible à la prospérité du peuple et de l'Etat, c'est quand le (gouvernement) con- P. 99. traint les négociants à lui céder, moyennant un vil prix, les marchan- dises qu'ils ont entre les mains et les oblige ensuite k lui acheter d'autres marchandises à un prix élevé. C'est là (ce qui s'appelle en jurispru- dence) acheter et vendre par la voie de la violence et de la contrainte. Ils obtiennent quelquefois des délais pour opérer leur payement, en se berçant de l'espoir de pouvoir profiter des fluctuations du marché pour vendre avantageusement les marchandises qu'on le§ a forcés d'acheter et réparer ainsi leurs pertes. Mais il leur arrive assez souvent que l'ad- ministration demande à être payée ' avant le terme qu'elle leur avait assigné, ce qui les met dans la nécessité de vendre le tout à bas prix, et, par suite des deux opérations, ils perdent une partie de leurs capi- taux. Les négociants de toute classe établis dans la ville, ceux qui y arrivent des pays éloignés pour (acheter et vendre) des marchandises, tous les gens qui font le petit commerce au marché, les boutiquiers qui vendent des comestibles et des fruits, les artisans qui fabriquent des outilsi,et des ustensiles de ménage , en un mot les commerçants de tout genre et de toute condition, ont à subir les mêmes avanies. Cela réagit graduellement sur les ventes et ruine^ les capitaux; de sorte que les négociants, ayant épuisé leurs moyens pécuniaires dans l'espoir de réparer leurs pertes, n'ont plus d'autre ressource que de fermer leurs magasins afin d'échapper à une ruine complète. La même cause em- pêche les étrangers de se rendre à la ville pour y faire des ventes et des achats; le marché chôme, et le peuple, qui ne vit en général que du commerce , n'a plus le moyen de pourvoir à sa subsistance. Le chômage des marchés et la misère du peuple, à qui on a enlevé toute ressource, font diminuer et même dépérir les revenus de l'Etat, dont la partie la plus considérable, c'est-à-dire les produits des droits

' Pour LfHl , lisez yL*^!. — ' Je lis <_>^^ avec l'édition de BouJac.

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