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D'IBN KHALDOUN. 111

qu'il a commis contre les personnes et les biens. Cela est l'opinion soutenue par un grand nombre de légistes, parce que, disent-ils, l'ap- plication de la peine n'a lieu qu'après que le criminel a perdu le pouvoir (de mal faire) et qu'on lui a fait son procès; mais, pour p. 98. l'état de brigandage en lui-même, il n'y a point de peine déterminée. En second lieu, on répondra ' que le brigand ne peut pas être qua- lifié par le terme ayant le pouvoir, car on entend par pouvoir, en par- lant d'un oppresseur, la main qui s'étend (vers le bien d' autrui) sans qu'il y ait une puissance capable de s'y opposer, et c'est là ce qui en- traîne la ruine (de la société). Or le pouvoir du brigand consiste dans l'effroi qu'il inspire et qui lui sert de moyen pour s'emparer du bien d'autrui; mais la main de la communauté peut briser ce pouvoir; elle est même autorisée à le faire par la loi religieuse et par la loi civile. Ce n'est donc pas là vm pouvoir (irrésistible) qui entraîne la ruine (de la société). Et Dieu a le pouvoir de faire tout ce (ju'il veut. Un des genres d'oppression les plus graves et les plus nuisibles au bien public, c'est d'imposer des corvées et d'obliger le peuple à tra- vailler sans rétribution. Le travail de fhomme compte dans la caté- gorie des occupations lucratives. Dans notre chapitre sur la sub- sistance^, nous montrerons que, chez les hommes civilisé^, le gain et la subsistance représentent la valeur du travail. Par conséquent leurs efforts et leur travail sont pour eux des moyens de gagner et d'acquérir; on peut même dire qu'ils n'en ont point d'autres. Ceux qui cultivent la terre ne gagnent et n'acquièrent que par leur travail. Donc si on les force de travailler pour l'avantage d'autrui , et qu'on leur imposB des tâches qui ne leur procurent pas les moyens de vivre , on leur ôte ce qui faisait leur gain , on leur arrache la valeur de leur tra- vail, qui est leur seul moyen de se procurer de l'argent. Dès lors ils se trouvent dans la gène ; ils ont à peine les moyens d'existence , ou , pour mieux dire, ils n'en ont plus; et, quand les corvées reviennent sou- vent, les hommes se découragent tout à fait et cessent de cultiver. Cela

' Pour Jyij , lisez JjiJ. — ' Voy. le texte arabe, 2' partie, p. 372.

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