Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome II.djvu/14

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6 PROLEGOMENES

Il en fut ainsi ' dans tous les royaumes jusqu'à la pi'omulgation de l'islamisme; mais, lors de l'établissement du khalifat, ces charges disparurent avec les empires qui les avaient instituées, et il n'en resta qu'une seule, dont la suppression eût été impossible : aider (le chef du pouvoir) de ses lumières et de ses conseils était un office trop conforme à la nature, trop nécessaire, pour cesser d'exister. Le Prophète lui-même consultait ses Compagnons, et prenait leur avis sur toutes les affaires d'un intérêt général ou particulier, et, parmi ses conseillers, il distinguait Abou Bekr d'une manière tellement mar- quée que ceux d'entre les Arabes (païens) auxquels les usages établis dans les royaumes des Chosroës, des Césars et des Ncdjachi^, étaient famihers, désignèrent ce fidèle moniteur par le titre de vizir. Le mot vizir n'était pas connu des musulmans, parce que (à l'époque de la conquête) la dignité royale (dans la Perse) avait été remplacée par l'administration islamique, qui, à cette époque, conservait encore sa rudesse et sa simplicité primitive. Omar servait de conseiller à Abou Bekr; Ali et Othman étaient les conseillers d'Omar.

Quant à la perception de l'impôt, au règlement des dépenses pu- bliques et à la comptabilité, cela ne formait pas, chez les premiers P. 6. musulmans, une charge particulière; ils étaient Arabes, grossiers, sans instruction, et peu habiles dans les arts de l'écriture et du calcul; aussi prenaient-ils, pour tenir leurs comptes, des juifs, des chré- tiens ou des affranchis étrangers, ayant un certain talent comme cal- culateurs. Parmi les Arabes il n'y en avait qu'un très-petit nombre qui pratiquât bien cet art; leurs nobles surtout y étaient peu habiles, car, chez eux, le défaut d'instruction était le caractère distinctif.

La rédaction des dépêches et l'expédition des affaires publiques ne composaient pas chez eux une administration spéciale, car, bien qu'ils fussent encore peu instruits, ils se distinguaient tous par leur fidélité à garder un secret ou à porter un ordre verbal. Leur mode d'admi- nistration ne les obligeait pas à instituer un secrétariat; leur gou-

' Pour Ijk*, lisez lo>^. de nigouça angast, qui signifie rois des roi*.

^ Les rois d'Abyssinie portaient le titre Les Arabes en firent nedjachi.

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