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334 PROLÉGOMÈNES

hasard, et non pas par des recherches faites de dessein prémédité. Jamais, dans les siècles passés, ni dans les temps modernes, on n'a senti généralement la nécessité d'enfouir ses richesses sous terre et p. 285. de sceller ces dépôts au moyen de talismans. Le terme rekaz, em- ployé dans une tradition (provenant de Mohammed) et bien défini par les docteurs, signifie (il est vrai) des trésors enfouis dans les temps du paganisme; mais la découverte de ces dépôts est due au pur hasard et non à des recherches systématiques et faites à dessein.

D'ailleurs, supposons qu'un homme veuille enfouir ses trésors et les mettre en sûreté par le moyen de quelques procédés magiques, il prendra toutes les précautions possibles pour que son secret de- meure caché. Comment se figurer, en pareil cas, qu'il mettra certains signes et certains indices pour guider ceux qui les chercheraient et qu'il consignera ces indices par écrit, de manière à fournir aux hommes de tous les siècles et de tous les pays un moyen de décou- vrir ces mêmes secrets? Cela est directement contraire au but qu'il aurait eu en cachant ses trésors.

En second lieu, les gens de bon sens ne font pas une chose sans se proposer quelque objet d'utilité. Celui qui amasse un trésor le met en réserve pour son fils ou pour un proche parent, ou pour quelqu'un, enfin, à qui il désire en assurer la possession. Mais qu'il veuille le cacher absolument pour qu'il se détériore ou pour qu'il se perde tout à fait, ou pour qu'il tombe entre les mains d'un étranger de quelqu'un des peuples à venir, d'un homme qui lui est totale- ment inconnu, voilà ce qu'on ne peut supposer de la part d'un être raisonnable.

Si l'on dit : « Que sont devenus les trésors des nations qui nous ont précédés, et qui possédaient, comme nous le savons (à n'en pouvoir douter), de si immenses richesses.'* » Je répondrai que les richesses, telles que l'or, l'argent, les pierres fines et les autres objets (précieux) sont des minéraux, des matières avec lesquelles on peut se procurer les choses nécessaires', tout comme le fer, le cuivre, le plomb et les

' Litlérai, « des moyens d'acquérir. »

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