Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome II.djvu/361

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D'IBN KHALDOUN. 353

aux boulangers et à tous ceux qui s'occupent des métiers dont les grains, à partir du moment de l'ensemencement jusqu'à celui où on les convertit en aliments, forment la base. Les militaires, à qui le souverain a concédé, pour leur servir de solde, l'impôt prélevé en nature sur les cultivateurs, souffrent aussi de cet état de choses. Comme cet impôt perd beaucoup de sa valeur, ils n'ont pas assez de moyens pour faire leur service, et, privés de ce qui les faisait subsister, ils se trouvent réduits à l'indigence. Les mêmes effets ont p. 3o2 lieu quand le miel et le sucre restent longtemps à vil prix : tous les métiers qui s'y rattachent en pâtissent, et les personnes engagées dans cette branche de commerce cessent de s'en occuper. Il en est de même des objets qui servent à l'habillement quand ils restent long- temps à bas prix. Donc l'extrême dépréciation d'une denrée nuit gravement aux intérêts de ceux qui en font un objet de commerce et porte atteinte à leurs moyens de subsistance. La cherté excessive des marchandises produit aussi le même résultat, bien que, dans des cas assez rares, elle contribue à augnrenter beaucoup les richesses des négociants qui ont eu recours à l'accaparement. Mais c'est en gar- dant un juste milieu (dans ses opérations) et en profitant des rapides fluctuations qui ont lieu dans le cours du marché que cette classe d'hommes fait des bénéfices et gagne sa vie. Au reste, les connais- sances dont un négociant a besoin se réduisent à celle des usages et des habitudes du peuple avec qui il a affaire ^ De toutes les matières que l'on met en vente, c'est pour les grains que le bon marché est le plus à désirer; le besoin en est général; aux riches comme aux pauvres il faut des aliments, et les indigents sont partout en grande majorité. C'est du bas prix des grains que dépend l'aisance générale. Voilà la seule espèce de marchandises dans la vente desquelles la nécessité d'alimenter le peuple doit l'emporter sur les intérêts du négociant. Dieu est le dispensateur de la nourriture; il estfortet inébran- lable. [Coran, sour. li, vers. 58.)

' Littéral. « la connaissance de cela se réduit aux usages établis cliez les peuples. » Prolégomènes. — u. /j5

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