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88 PROLÉGOMÈNES

seigné. Cette manière de lever la difficulté est assez spécieuse; mais Dieu le sait.

Dans la guerre on ne peut compter avec certitude sur la victoire , bien qu'on ait de son côté de nombreuses troupes, d'abondants ap- provisionnements et tout ce qui peut contribuer au succès. La vic- toire est une affaire de chance et de hasard; mais je vais expliquer ce que j'entends par ces mots. Dans la plupart des cas, la victoire dépend de la réunion de plusieurs causes dont les unes sont visibles P. -6. et les autres cachées. Les causes (ou moyens) visibles sont les troupes, leur grand nombre, l'excellence de leur équipement et de leurs armes, la foule de guerriers illustres par leur bravoure, l'ordre de bataille, la hardiesse de l'attaque et autres choses de ce genre. Les moyens cachés forment deux catégories : la première consiste en ruses de guerre, en bruits répandus perfidement pour jeter le trouble dans l'armée ennemie, en calomnies que l'on propage afin de mettre la désunion parmi ses adversaires, en empressement d'occuper des positions élevées du haut desquelles on puisse combattre l'ennemi qui, se voyant dans un lieu bas, s'imagine que tout est perdu et prend la fuite, en embuscades établies dans des marécages boisés ou dans des terrains creux, ou derrière des rochers; ces troupes .se mon- trent tout à coup à l'ennemi , au moment où il se jette dans le piège, et le forcent à chercher son salut dans la fuite. Nous pourrions augmenter cette liste s'il le fallait. Dans la seconde catégorie nous langeons les moyens célestes dont l'homme ne saurait disposer et qui, agissant sur les cœurs, les remplissent de terreur, d'où résulte que les combattants abandonnent leurs positions et se retirent en désordre. La plupart des défaites sont amenées par un de ces moyens secrets; chaque parti les emploie fréquemment afin de s'assurer la victoire, aussi, d'un côté ou de l'autre, ils doivent nécessairement pro- duire leur effet. Voilà pourquoi le Prophète disait, « La guerre, c'est la tromperie, » et qu'au nombre des proverbes des Arabes se trouve celui-ci ; « La ruse est quelquefois plus utile que l'appui d'une tribu. » On voit par ce qui précède que, dans les guerres, la victoire tient

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