Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome III.djvu/311

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DIBN KHALDOUN. 295

procèdent de preuves conservées dans la mémoire cl tirées du Coran et de la Sonna. Donc, quand on clierche à constater l'accord qui peut exister entre les choses externes et les j»i»»ements de l'enten- dement, il faut avoir recours à un procédé qui est l'inverse de celui dont on se sert dans des spéculations qui ont pour objet les sciences rationnelles; c'est alors seulement qu'on peut appliquer ces jugements, dans toute leur vérité, aux choses externes. On voit par la que les savants, habitués, comme ils le sont, à s'occuper uniquement des choses de l'entendement et des spérulations intellectuelles, ignorent tout ce qui est en dehors de ces matières.

Celui, au contraire, qui dirige le gouvernement d'un état est obligé de donner son attention aux choses externes, d'observer avec soin les circonstances qui s'y rattachent et celles qui peuvent y survenir, car ces particularités échappent souvent à l'attention. Il se peut que ces choses ne présentent aucun trait qui permette de les assimiler à P- '69- d'autres, et se montrent rebelles au principe général qu'on voudrait leur appliquer. Aucune des circonstances qui se raltadient à la ci- vilisation ne se laisse apprécier dans le cas où on la compare avec une circonstance analogue; car, bien qu'il y ait un point de ressem- blance entre les deux, elles diffèrent en plusieurs autres.

Les savants sont habitués à généraliser leurs jugements et à fonder leurs opinions sur les analogies qui existent entre les choses; aussi, quand ils s'occupent d'administration, ils versent leurs idées dans !e même moule qui sert à leurs spéculations, et les rangent dans la même classe à laquelle appartiennent leurs arguments. Il en résuhe qu'ils se trompent très-souvent el qu'ils n'inspirent aucune confiance. Nous pouvons en dire autant des hommes qui, dans les sociétés civi- lisées, se distinguent par la finesse et par l'intelligence; ils pénè- trent si avant dans leurs spéculations que, à l'instar des savants, ils se laissent entraîner par la vivacité de leur esprit à baser leurs juge- ments sur des analogies et des ressemblances. Aussi se trompent-ils comme eux. Il n'en est pas ainsi chez les esprits du commun, quand le naturel est sain el la vivacité moyenne : leur faculté réfléchissante

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