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304 PROLÉGOMÈNES

calions qu'ils fournissent, on ne saurait reconnaître les mots qu'ils désignent. Si l'on ne distingue pas bien aux traits de l'écriture les mots qu'ils représentent, on ne connaîtra qu'imparfaitement le sens de ces mots; c'est donc ià un autre voile qui dérobe à l'investigateur P. 276. et à l'étudiant la vue du but qu'il cherchait à atteindre, savoir, l'acquisition de connaissances; et ce voile est encore plus difficile à soulever que le premier. Mais, lorsqu'on a bien acquis ia faculté de reconnaître les idées indiquées par les mots articulés et par les traits de l'écriture, le voile est tout à fait levé et l'on n'a plus que la tâche de bien comprendre les investigations qui se font au moyen de ces idées. La difficulté de distinguer les rapports des idées aux mots, tant articulés qu'écrits, existe pour toutes les langues. Ceux qui ap- prennent ime langue dans leur jeunesse acquièrent bien mieux que les autres ia faculté de s'en servir.

Le peuple musulman, ii l'époque où ii fonda son empire et absorba les autres nations, alors que l'influence du Prophète et du Coran eut fait disparaître les sciences des anciens, ce peuple était d'une igno- rance (et d'une simplicité de mœurs) qui se manifestaient dans toutes ses inclinations et dans toutes les habitudes qui le distinguaient. Mais ensuite ia souveraineté, la puissance et les services forcés des peuples vaincus le façonnèrent aux usages de la civilisation sédentaire et adou- cirent chez lui la rudesse des mœurs. Dès lors renseignement des s(iences religieuses, qui s'était fait chez les musulmans (gratuite- n)ent et) par la voie de la transmission orale, devint un métier, et le progrès de leurs connaissances amena la composition d'une foule d'ouvrages et de recueils.' Mus par le désir de connaître les sciences des autres peuples, ils firent traduire en arabe les traités qui les ren- fermaient , et , pour réunir ces renseignements nouveaux à leurs propres sciences, ils ies remanièrent dans les mêmes moules dont ils s'étaient servis pour façonner leurs premières spéculations. Ayant dépouillé ces traités de leur vêtement étranger, afin de les habiller à l'arabe, ils firent tant de progrès dans leurs études, qu'ils surpassèrent leurs modèles. Dès lors les originaux de ces livres, de ces textes en langue étran-

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