Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome III.djvu/404

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

388

��PROLEGOMENES

��du même genre, s'acquiert en apprenant par cœur ce que le langage offre de meilleur. Voilà pourquoi les jurisconsultes et tous les autres savants ne peuvent jamais atteindre à la réalisalion ; car ils avaient commencé tout d'abord par se charger la mémoire de règles scien- tifiques et de termes de droit, locutions qui, s'écartant complètement des formes admises comme obligatoires dans la réalisation, occupent un rang très-inférieur dans le langage. Les termes employés dans les sciences et dans les règles qui s'y rapportent n'ont rien de commun avec l'art de la réalisation^. Or, lorsque ces termes ont passé de la mémoire à la réflexion, et qu'ils s'y sont présentés en grand nombre, ils communiquent à l'esprit la teinture qui leur était propre et donnent naissance à une faculté trop imparfaite (pour être appliquée à la réa- lisation); les expressions mêmes dont cette faculté se sert ne cor- respondent en aucune façon aux formes idiomatiques du langage des Arabes. Aussi voyons-nous que les poèmes composés par des lé- gistes, des grammairiens, des théologiens dogmatiques, des (philo- P. 348. sophes) spéculatifs et d'autres , sont remplis d'expressions fotirnies par la mémoire et ne ressemblant en rien aux locutions pures et lé- gitimes dont se servaient les (anciens) Arabes. Mon digne ami Abou '1- Cacem Ibn Ridouan '^, écrivain de Yalama^ sous le gouvernement mé- rinide, me raconta l'anecdote suivante : « Je causais un jour avec mon collègue Abou '1-Abbas Ibn Choaïb *, secrétaire du sultan Abou '1- Hacen et le premier arabisant du siècle. Dans la conversation, je lui récitai l'exorde d'un poëme composé par Ibn en-Nahouï ^, sans lui dire le nom de l'auteur.

��' L'auleur se serait exprimé plus cor- rectemenl s'il avait écrit : j L_^ ii-a. J iic.^lJt. Telle est. du reste, la leçon de l'édition de Boulac.

' Voyez, dans l'autobiographie, p.xxvi de l'introduction de la i" partie.

  • Voyez la a* partie, p. 63.

• Abou 'l-Âbbas Ahmed Ibn Choaïb, natif de Fez, se distingua dans la littéra-

��ture arabe, les sciences intellectuelles, les mathématiques, la médecine, etc. 11 rem- plit les fonctions d'écrivain-rédacteur dans les bureaux du gouvernement mérinide, sous les sultans Abou Said et Abou 'l-Ha- cen. Il mourut de la peste, à Tunis, l'an 749(i348-i349 de J. C).

' Le jurisconsulte Abou '1-Fadl Youçof, surnommé Ibn en-Nahout, vivait dans le

�� �