Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome III.djvu/405

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DIBN KHALDOUN. 389

Le premier vers était celui-ci :

En m'arrétant à contempler les débris de ce campement abandonné, je ne savais reconnaître la diiTérence [ferc) entre les traces récentes et celles (|ui étaient anciennes.

Quand il entendit ce vers, il me dit : « C'est là de la poésie de lé- giste. » Je lui demandai à quoi il voyait cela, et il me répondit : «Au mot différence (ferc), qui est un terme de jurisprudence et ne fait pas partie de ceux qui s'emploient dans la langue des Arabes. » Je lui dis alors: « Béni soit votre père! le poëme a pour auteur Ibn en-Nahouï. »

A l'égard des écrivains-rédacteurs et des poêles, le cas en est au- trement, parce qu'ils ont eu soin de bien choisir parmi les morceaux qu'ils devaient apprendre par cœur, et parce que, dans leurs épîtres, ils faisaient un grand usage du langage parlé par les (anciens) Arabes et de leurs tours de phrase, dont, du reste, ils avaient appris tout ce qu'il y avait de mieux. Dans une conversation que j'eus, un jour, avec Abou Abd Allah Ibn el-Khatîb, vizir des souverains espagnols (de Grenade) et qui tenait le premier rang comme poëte et comme écrivam, je lui adressai ces paroles: «Toutes les fois que je veux composer en vers, je trouve la lâche très-difficile , bien que je me con- naisse en poésie et que j'aie dans la mémoire ce que le langage possède de meilleur ' : je sais par cœur le Coran, les traditions et des dis- cours de divers genres tenus par les (anciens) Arabes^; il est vrai que je n'en sais pas assez. Je crois avoir découvert la véritable cause (de la difficulté dont je me plains) : elle provient de ce que j'avais ap- P. 349. pris par cœur beaucoup de poëmes composés sur des matières scien- tifiques et beaucoup de règles tirées d'ouvrages (qui traitent de ces sujets); j'avais appris les deux poëmes, le grand et le petit, compo- sés par Chatebi * sur les leçons coraniques et sur l'orthographe du

v'siècledei'liégire, puisqu'il était contem- ' Pour iVjawt , lisez 0>aj^.

porain du célèbre philosophe El-Gliazzali. ' Pour (jyÀS^, lisez ^^ Oy^i-

Je soupçonne qu'il était natif de l'Espagne ' Voyez la première partie, inlroduc-

ou de l'Afrique septentrionale. tion, p. xx.

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