Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome III.djvu/452

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Ii3ô PROLÉGOMÈNES

laisse voir dii musc (c'est-à-dire des sourcils noirs) sur du camphre (c'est-à-dire une peau blanche), au milieu d'une fleur de grenade (c'est-à-dire la rougeur des joues). Nuages! entourez de bijoux (c'est-à-dire de fleurs) les couronnes (c'est- à-dire les bocages) que portent ces collines, et donnez-leur pour bracelets les détours du fleuve.

Lorsque l'art de composer des odes se fui répandu parmi les Es- pagnols, tout le monde s'y appliqua à cause de la facilité du genre, de l'élégance de sa forme et de la correspondance qui régnait entre les vers; et les habitants des villes se mirent à tisser sur ce modèle et à ranger des vers d'après ce système. Ils y employèrent leur dia- lecte ordinaire, celui qui se parle dans les villes, et ne s'y astrei- gnirent pas à l'observation des règles de la syntaxe désinentielle. Ils développèrent aussi une nouvelle branche de poésie à laquelle ils donnèrent le nom de zedjel (ballade) et dont la versification conserve jusqu'à ce jour la forme qu'ils avaient adoptée (au commencement). Dans ce genre de poésie, ils ont produit des pièces admirables, et l'expression des idées y est aussi parfaite que leur langage corrompu le permet. Le premier qui se distingua dans celte voie fut Abou Bekr Jbn Gozman. 11 est vrai qu'avant lui on avait récité des ballades en Espagne, mais la douceur du style, la manière élégante dont on y énonçait ses pensées et la beauté dont ce genre de composition était susceptible ne furent appréciées qu'au temps de ce poëte. 11 vi- vait sous les Almoravides et tenait, sans contredit, la première place P. iiob. parmi les compositeurs de ballades. « Quant à ses zedjel, » dit Ibn Saîd, «je les ai entendu réciter plus souvent à Baghdad que dans les villes de l'Occident. » Il dit ailleurs : « J'ai entendu déclarer à Abou '1-Hacen Ibn Djahder de Sévilie, le premier chansonnier de notre époque, que personne, parmi les poètes les plus capables dans ce genre, n'a eu une inspiration pareille à celle qui survint à Ibn Goz- man, le grand maître de l'art. Étant sorti, un jour, avec quelques amis, pour faire une promenade d'agrément, il s'assit avec eux sous un berceau de feuillage, en face duquel se voyait la figure d'un lion, en marbre ; de la gueule de ce lion s'échappait une masse d'eau qui allait

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