Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome III.djvu/58

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42 PROLEGOMENES

patioo est, pour l'esprit, une vallée dans laquelle il s'égare au hasard, sans rien y trouver d'utile ' et sans en découvrir le véritable caractère. Dis [-leur, ô Mohammed!) c'est Dieu [qui fait tout), et puis, laisse-les se débattre à plaisir dam leur bourbier'^. L'homme s'arrête souvent à une cause sans pouvoir remonter plus haut; le pied lui glisse alors, et il se trouve, un beau matin, au nombre de ceux qui se sont égarés et perdus. Que Dieu nous garde de ce qui peut tromper notre espoir et nous mener à une perte certaine !

Il ne faut pas s'imaginer qu'en s'arrêtant à une cause ou en renon- çant à la reconnaître pour telle, on agit de son plein pouvoir et de sa libre volonté. 11 n'en est pas ainsi : (ce qu'on fait alors) est le résultat d'une couleur (ou habitude) que l'âme a prise, d'une teinture qu'elle a reçue à force de plonger dans l'abîme des causes, en suivant un P. ao- système dont elle ne se rend pas compte; car, si elle le comprenait, elle se garderait bien de l'adopter. Il faut donc l'éviter et tâcher de le perdre de vue.

Ajoutons que, le plus souvent, on ignore le mode par lequel les ^ causes agissent sur les effets. Cela ne se connaît que par l'expérience* et par l'association de ce qu'on observe à ce qui est probable. Mais la vraie nature de cette influence et la manière dont elle agit nous sont inconnues : Et Dieu ne vous a départi qu'une faible portion de la icience. [Coran, sour. xvil, vers. 87.) Nous avons reçu l'ordre de renoncer à toute investigation au sujet des causes, afin de pouvoir diriger nos regards vers la cause des causes, l'Etre qui en est l'au- teur et qui leur donne l'existence. (Cet ordre nous est venu) afin que la croyance à l'unité de Dieu, telle que nous l'avons reçue du législateur inspiré, laissât dans l'âme une teinture durable. Le légis- lateur, connaissant ce qui était au delà des perceptions recueillies par les sens, savait mieux que tout autre les choses qui pouvaient contri- buer à notre bien spirituel et les voies qui devaient nous mener

' L'édilion de Boulac porle yL*;, Icijon étang. » — Ceci est une parlie du verscl 91 que j'adopte. de la vi* souralc du Coran.

' Li Itérai. « laisse-ies se jouer dans leur ' Lilléral, « par l'habitude. •

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