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BRASSÉE DE FAITS

en lame de couteau, qui fait penser à ces figures du moyen âge, telles qu’on en voit dans les peintures antérieures au xive siècle ou encore contemporaines de cette époque.

Mélie, elle, n’offrait de commun avec la beauceronne de petite taille que les taches de rousseur lui couvrant le visage sur lequel elles semblaient même faire épaisseur, tant il y en avait, au front, notamment, et aux pommettes. Sans ce semis de taches lenticulaires couleur de croûte de pain trop cuit, elle eût été jolie, avec ses grands traits bien dessinés. Châtaine, quelques vertiges encore de la blondeur de son enfance subsistaient dans de fines mèches isolées, blondasses ou plutôt jaunes, apparaissant, ça et là, aux tempes surtout. J’aimais voir cette belle fille de dix-neuf ans, parce que tout son être respirait la force. Plus tard, je la retrouvais dans les figures de Puvis de Chavannes, au Panthéon, parmi les suivantes de Sainte Geneviève.

Elle donnait de cette force des preuves à l’occasion, en aidant, comme un homme, à décharger les voitures de grain ou de foin. Bien plantée sur ses jambes, piliers solides pour son torse puissant, elle déployait un musculature plutôt masculine. En pensant et repensant à elle depuis, aussi souvent que je devais le faire et que je le ferai sans doute toujours, je ne cesse de me répéter que nulle femme pour moi ne représente autant qu’elle le type féminin, présidant à ma libido. Sans doute, parce que ce type de femme est tout le contraire de ma nature physique, dont la sienne apparaît exactement comme la « complémentaire », pour parler la langage des physi-