Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/102

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Miss Woodley entra dans ce moment. Les infortunés avaient toujours droit à ses soins ; aussi venait-elle de les prodiguer à milord Frédéric ; elle était restée auprès de lui, et avec les meilleures intentions du monde, elle l’exhortait à la patience, tandis que ce jeune homme ne sentait encore que trop bien la douleur et surtout la honte du soufflet qu’il avait reçu. D’abord sa fureur s’exhala en menaces contre les domestiques qui l’entouraient et qui ne voulurent jamais lui permettre d’entrer ; il voulut les traiter comme il l’avait été lui-même ; mais songeant bientôt à l’amende honorable qu’il obligerait Dorriforth à lui faire, il se calma un peu, et remontant à cheval, il s’éloigna du lieu de sa disgrâce.

Dès que miss Woodley parut, M. Dorriforth lui remit le soin de sa pupille, et courut à l’endroit où il avait laissé milord Frédéric, s’occupant peu de ce qui pourrait arriver, s’il l’y trouvait encore. Mais ayant appris qu’il était parti, il alla se renfermer chez lui, dans un état plus digne de pitié que celui où il avait mis son adversaire.

Livré à tous les remords de sa conscience, ses premières réflexions furent celles-ci : « J’ai violé la sainteté de mon caractère, la dignité de mon état et de mes sentimens ; je me suis manqué à moi-même. Je ne suis plus le philosophe que j’étais, mais un vil spadassin. J’ai fait un impardonnable outrage à un jeune homme respectable par sa naissance, dont le seul crime était l’amour et le désir bien naturel de plaire à celle qu’il aime. Je dois le satisfaire comme il l’exigera. Les lois de l’honneur et de la justice (quoique en cette occasion contraires à celles de la religion) m’ordonnent de lui donner ma vie, s’il la demande. Hélas ! que ne l’ai-je perdue ce matin, avant qu’elle fût souillée par cette faute qu’à peine ma mort pourra expier. »