Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/115

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sacrés ; et plus elle respectait les vertus de son tuteur, moins elle pouvait douter qu’il ne restât fidèle à ses engagemens religieux. Son estime pour lui s’étendait sur tous ses principes, même sur ceux qui avaient la religion pour objet ; cependant cette malheureuse passion, qui avait jeté de fortes racines dans son cœur, n’y aurait pas germé, si sa croyance n’eût été différente de celle de M. Dorriforth ; si on lui eût appris dès son enfance combien étaient sacrées les obligations d’un ecclésiastique romain ; toute l’estime, toute l’admiration que lui inspiraient les grandes qualités de son tuteur, se seraient renfermées dans de justes bornes, et l’éducation l’eût préservée de prendre de l’amour pour lui, aussi facilement qu’elle élève une barrière entre le frère et la sœur.

Malheureusement pour elle, l’éducation n’était donc pas venue à son secours, et le seul sentiment intérieur qui l’avertît que son amour était coupable, c’est la certitude où elle était que son tuteur n’en recevrait l’aveu qu’avec épouvante et horreur.

Miss Woodley se remit un peu de sa première surprise et de la douleur que lui avait causée son amie (car jamais son cœur sensible ne fut si vivement affecté) ; quoiqu’elle détestât la passion de miss Milner, elle sentit que la pitié était encore la plus forte. Les tourmens de sa jeune amie la réconcilièrent avec ses fautes ; et la regardant de nouveau avec la même amitié, elle lui demanda ce qu’elle pouvait faire pour la rendre moins infortunée.

— « Faites-moi oublier, répondit miss Milner, tous les momens qui se sont écoulés depuis que je vous ai vue pour la première fois. Chacun de ces momens m’a conduite à un abîme de peines où je resterai plongée pendant toute ma vie. »