Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle était enivrée du plaisir de revoir son tuteur, après le danger qu’il avait couru.

Mais peu s’en fallut que ces vives émotions ne devinssent trop fortes pour elle, lorsqu’au moment où l’on se retirait, après le dîner, son tuteur lui dit d’une voix basse, mais de manière pourtant à être entendu de tout le monde : « Voulez-vous, miss Milner, me faire la faveur de passer un moment dans mon cabinet, cette après-midi ; j’ai à vous parler d’affaires qui vous intéressent. »

— « Oui, monsieur, » répondit-elle, et ses yeux brillèrent de toute la joie que lui inspirait d’avance cet entretien.

Cependant, que le lecteur ne s’imagine point que miss Milner eût alors aucune pensée que la plus pure de toutes les âmes soumises à l’amour n’eût pu se permettre sans reproche.

L’amour véritable, du moins dans le cœur d’une femme délicate, est souvent heureux de ces jouissances légères qui irriteraient les désirs et feraient le désespoir de tout autre. La passion pure, sincère et réservée de miss Milner, n’imaginait rien de plus doux que d’être auprès de l’objet aimé, et, comme ses désirs ne s’étendaient point au-delà de ses espérances, le comble du bonheur se trouvait pour elle dans un entretien où elle serait seule avec son tuteur.

Miss Woodley avait entendu, comme tout le monde, ce qu’avait dit M. Dorriforth ; mais seule, elle concevait tout le plaisir qu’il avait dû causer à sa pupille.

Pendant que les dames étaient restées dans la même chambre que Dorriforth, miss Milner n’avait guère songé qu’à lui. Dès qu’elles eurent passé dans une autre, elle se souvint de miss Woodley, et tournant aussitôt la tête, elle rencontra les yeux de son amie. Il était facile d’y lire la défiance et le chagrin. D’abord elle y fut sensible ; mais se