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Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/152

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heureux et déchiré, passait en un moment de l’espérance au désespoir.

Ces variations successives influaient puissamment sur son humeur ; tantôt elle était vive et gaie, tantôt triste et abattue. Elles donnèrent à sa conduite l’air du caprice, que ses inconséquences mêmes ne lui avaient jamais donné.

Ce n’était pas le moyen d’arriver au cœur de milord Elmwood. Elle le savait, et devant lui elle veillait un peu plus sur elle-même ; le changement qui se faisait alors dans ses manières fut remarqué de Sandford, et il n’hésita pas d’ajouter à la liste de tous les défauts qu’il trouvait en elle, le vice de l’hypocrisie. Il était aisé de voir que, de jour en jour, M. Sandford faisait moins de cas d’elle, et comme en même temps il était celui qui avait le plus d’influence sur l’opinion de son tuteur, miss Milner se sentit bientôt passer pour lui, du dégoût à une véritable horreur.

Quand ils se trouvaient ensemble, leurs dispositions mutuelles se découvraient dans chacune de leurs paroles et de leurs actions ; mais lorsque Sandford était absent, le cœur de miss Milner, toujours bon, toujours incapable de malignité, ne lui permettait pas de prononcer un seul mot qui pût nuire à son ennemi auprès de milord Elmwood. La charité de Sandford ne s’étendait pas si loin ; et un soir que miss Milner était à l’Opéra et qu’il parlait d’elle désavantageusement, sans autre dessein, disait-il, que d’ouvrir les yeux de son tuteur sur tous les défauts de sa pupille, milord Elmwood lui répondit :

« Il en est un pourtant, M. Sandford, que je ne puis lui reprocher. »

— « Et quel est-il, milord, s’écria son ami, quel est le défaut dont miss Milner soit exempte ? »

— « Jamais, répliqua milord, je ne l’ai entendue, en votre absence, dire une seule parole qui vous fût défavorable. »