Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/156

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sentimens qu’elle avait lus dans les yeux de milord Elmwood, et, quoique son amie eût pu y lire comme elle, l’imagination de miss Milner lui exagérait si bien l’expression de chaque regard, et par degrés elle leur donnait une interprétation si conforme à ses désirs, que si miss Woodley n’eût su réduire le tout à sa juste valeur, elle n’aurait pas douté, d’après les transports de son amie, qu’elle n’eût reçu la déclaration la plus positive, l’aveu le moins équivoque.

Miss Woodley crut donc qu’il était de son devoir de la retirer de cette ivresse, et de lui représenter qu’elle pouvait encore être trompée dans ses espérances ; que, même en supposant que son tuteur lui donnât la préférence sur toute autre femme, de grands obstacles s’opposeraient à leur union. Sandford, qui dirigeait les actions et même les pensées de milord, ne serait-il pas consulté dans cette occasion ? et, s’il l’était, de quoi pouvait se flatter miss Milner, à moins que son tuteur ne brûlât pour elle du plus ardent amour ; mais cet ardent amour, devait-on supposer qu’un homme tel que milord Elmwood fût capable de le ressentir et de s’y livrer ? Ainsi parlait miss Woodley, pour prémunir son amie contre les événemens les moins favorables ; mais, au fond de son cœur, elle doutait à peine que tout ne dût réussir au gré de leurs vœux ; ce qui suit prouve combien elle se trompait.

Un jeune homme de qualité et fort riche se mit sur les rangs pour épouser miss Milner, et son tuteur, loin de montrer pour lui-même aucune vue sur elle, parla en faveur de ce nouvel amant, avec encore plus de zèle qu’il n’avait fait pour sir Edward et pour milord Frédéric ; ainsi s’évanouirent toutes les chimères de bonheur dont s’était bercée la pauvre miss Milner.

Aussi la plus sombre tristesse devint son humeur habi-