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Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/164

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« Heureuse ! heureuse femme, s’écria miss Milner, au nom de miss Fenton ; c’est elle qui, la première, a fait palpiter son cœur ! c’est elle qui a joui du bonheur délicieux de lui apprendre à aimer ! »

— « Que dites-vous ? répliqua miss Woodley, qui n’imaginait rien de plus propre à consoler son amie ; ne croyez pas que leur union soit l’ouvrage de l’amour. C’est un devoir, un arrangement de famille ; le choix, même de l’épouse n’en est-il pas la preuve ? Milord Elmwood avait regardé miss Fenton comme un parti convenable pour son cousin ; ce sont les mêmes convenances qui la lui auront fait choisir pour lui-même. »

Miss Milner désirait trop que son amie dît vrai, pour ne pas la croire aisément.

« Oh ! s’écria-t-elle, que ne puis-je opposer les feux de l’amour à ces froids arrangemens de convenance ! Croyez-vous, ma chère miss Woodley, » et ses regards étaient si pressans qu’il était impossible de ne pas répondre comme elle le désirait, « croyez-vous que je serais coupable à l’égard de miss Fenton, si j’allumais dans le cœur de son futur époux un amour qu’elle peut ne lui avoir pas inspiré, et que je la crois incapable de sentir elle-même ? »

Après un moment de silence, miss Woodley répondit non ; — mais elle hésita en prononçant ce mot ; elle dit, non, et semblait se reprocher de n’avoir pas dit, oui. Miss Milner ne lui donna pas le temps de se reprendre ou d’interpréter ce qu’elle avait dit ; mais elle se hâta de déclarer que, puisque telle était l’opinion de son amie, elle se sentait un nouveau courage, et qu’elle ferait tout ce qui dépendrait d’elle pour supplanter sa rivale. Cependant, pour se justifier à leurs propres yeux et surtout pour tranquilliser la conscience de miss Woodley, il fut décidé entre elles que le cœur de miss Fenton n’entrait pour rien dans son