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Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/168

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gards, dans les expressions, dans les empressemens de milord, qu’il aimât miss Fenton, elle se flattait que, dès l’instant même, il cesserait de lui être cher ; mais si elle ne lui trouvait auprès de sa rivale qu’un air indifférent, dès l’instant même aussi, elle pourrait s’abandonner aux plus flatteuses espérances.

Pour ces deux ou trois heures de la soirée, son miroir fut consulté tout le jour. Cette alternative de crainte et d’espérance où flottait son cœur anima son teint et ses yeux d’un nouvel éclat. Jamais elle n’avait été plus belle ; mais tous ses charmes, et le soin qu’elle avait pris de les orner, tout lui devint inutile ; c’est en vain que ses yeux restèrent attachés sur la porte de sa loge, dans l’espérance qu’elle la verrait s’ouvrir. Milord Elmwood ne parut pas.

L’orchestre alla tout de travers, le spectacle fut détestable ; en un mot, tout était pour elle un sujet de déplaisance.

Elle attendait donc impatiemment que la toile se baissât, parce qu’elle ne se trouvait pas bien où elle était ; cependant elle se demandait à elle-même : « Serai-je moins malheureuse au logis ? Oui. Au logis je verrai milord Elmwood, et cela même est le bonheur ; mais il me regardera avec indifférence, et je souffrirai encore. L’homme ingrat ! je ne veux plus penser à lui. » Si, en y pensant, elle avait pu séparer son image de celle de miss Fenton, sa peine eût été plus supportable ; mais lorsqu’elle se les représentait ensemble, comme deux amans, il n’y a guère de tourmens comparables à ceux qui déchiraient son cœur.

Peu de personnes savent ce qu’est réellement la jalousie, parce que peu de personnes ont ressenti un véritable amour. Dans ceux qui sont livrés à ces deux passions, non seulement la jalousie affecte l’ame, mais encore, si je puis le dire, la machine tout entière ; chaque fibre de miss