Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/239

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d’empire sur sa voix et sur son maintien ; car miss Woodley, en parlant la première, lui avait donné le temps de se recueillir.

Le feu monta au visage de lord Elmwood, comme elle prononçait ce peu de mots ; miss Woodley crut même avoir vu quelques larmes dans ses yeux.

Pour miss Milner, ce n’est pas de ce côté qu’elle tourna les siens.

L’instant d’après, milord trouva moyen de changer le sujet de la conversation ; mais son départ fut encore de temps en temps remis sur le tapis. Le nombre des chevaux, des domestiques et des voitures qu’il emmenait fut compté avec la plus exacte précision, et il fallut que miss Milner entendît tous ces détails d’un voyage dont la seule idée la faisait frémir.

Aussitôt après le dîner, les dames se retirèrent, et depuis ce moment, quoique la conduite de miss Milner fût la même, son air et le son de sa voix parurent entièrement altérés ; pour tout au monde, elle n’aurait pu donner le moindre signe de gaîté ; pour tout au monde, elle n’aurait pu parler avec quelque vivacité. Souvent elle commençait sur un ton, et trois mots après, elle en avait déjà pris un autre ; son visage n’était plus le même, ses yeux avaient perdu leur éclat, ses lèvres le pouvoir de se remuer, sa tête ne se soutenait plus, et tout soin d’elle-même lui était indifférent. N’ignorant pas combien elle était changée, sentant bien mieux encore les peines secrètes dont ce changement était l’ouvrage, elle aurait voulu se cacher aux yeux du seul homme pour qui elle eût désiré d’être belle. Elle se renfermait chez elle, seule ou avec miss Woodley, et elle aurait dès lors cessé de se montrer, si cette conduite, eût pu s’accorder avec les devoirs de civilité dont les désirs de son tuteur lui faisaient une loi.