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Page:Inchbald - Simple histoire.djvu/240

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Miss Woodley était si touchée des tourmens de son amie, que si sa raison ne lui eût dit que l’inflexibilité de milord résisterait à tous ses efforts, elle se serait jetée à ses pieds et l’aurait conjuré de r’ouvrir son cœur à ses premiers sentimens, comme le seul moyen de sauver d’une mort certaine sa pupille bien-aimée. Mais la connaissance qu’elle avait du caractère de milord et de la parole qu’il avait donnée à Sandford d’être inébranlable dans la résolution qu’il aurait prise une fois, et les plans de voyage qu’il avait arrêtés, tout lui prouvait que le seul résultat de son humble démarche serait d’exposer l’amour et la délicatesse de miss Milner aux dédains les plus honteux.

Si le départ de milord Elmwood n’était pas chaque jour le sujet de la conversation, sujet qu’il avait soin d’éviter, chaque jour, du moins, quelque nouvel apprêt frappait les yeux et les oreilles de miss Milner ; et à la vue du spectre le plus affreux, elle eût été moins saisie d’horreur, que lorsqu’en passant par hasard dans une des salles, elle vit des malles et des coffres cloués, cordés et tout prêts à être envoyés à Venise. À ce spectacle, elle s’enfuit sans songer à ceux avec qui elle était, et courut cacher ses larmes dans le lieu le plus écarté de la maison. — Là, elle appuie sa tête sur ses mains, les inondant de pleurs et tâchant de chasser de sa mémoire l’horrible image qui la poursuivait. En ce moment elle entend marcher auprès d’elle dans cet endroit, où elle se croyait loin de tout le monde, elle lève les yeux et voit milord Elmwood. La fierté fut le premier sentiment de miss Milner, la fierté que lui inspirait la honte de l’état où elle paraissait devant lui.

Elle le fixa, comme pour lui dire, — « que me voulez-vous à présent ; milord ? »

Et lui s’inclina comme pour lui répondre, « pardon d’avoir troublé votre solitude, » et il se retira sur-le-champ.